15 novembre 2021 Par Laurence Pouzet

Engager un salarié ne garantit pas son engagement

L’Engagement dans l’entreprise des collaborateurs est devenu une forme de Graal dont tout le monde parle. Je ne peux m’empêcher de pester : « Pourquoi tant d’entreprises passent-elles encore à côté de l’opportunité d’améliorer la qualité de vie au travail de leurs salariés, et, par là-même, de récolter les fruits de leur mieux-être et de leur satisfaction ? » Bien sûr, il serait trop simple de leur jeter la pierre. J’ai moi aussi expérimenté – à mes dépends parfois – la complexité de manager des équipes, coincée entre la pression des chiffres et du « client first ». Un vrai casse-tête.

Pour autant, j’ai toujours poursuivi l’objectif de concilier réussite collective et épanouissement individuel. C’était même à une certaine époque – avec l’appui indispensable d’un DG engagé – l’ambition affichée de mon entreprise. En tant que DRH et Dircom, j’ai piloté et vécu des expériences enthousiasmantes en matière d’expérience collaborateur. D’où les convictions que je partage ici avec vous.

Ce qu’on entend par Engagement dans l’entreprise

Qu’entend-on par Engagement dans l’entreprise ? Une forme de dévouement, de fidélité, de loyauté. Mais pas seulement. Cette notion intègre une capacité à se dépasser dans l’intérêt du collectif, une volonté de contribuer à la performance de l’organisation au-delà de son propre intérêt. Et c’est sans doute là que « le bât blesse ». Revenons à l’étymologie du mot pour cerner, peut-être, l’origine d’une incompréhension entre managers et managés, laquelle amène aujourd’hui – selon l’institut Gallup(1) – près de 20 % des collaborateurs à se désengager !

Engagement vient du francique wadi voulant dire « gage ». L’engagement est aussi un terme juridique désignant le fait de convenir de participer à une œuvre ou à une entreprise en contrepartie d’un paiement ou d’un salaire. Et en effet, l’octroi d’un contrat de travail et d’un salaire a longtemps suffit pour obtenir l’engagement dans l’entreprise, au sens premier du terme.

Ce que le collaborateur attend de l’entreprise

Les enjeux sont tout autres désormais. Dans notre monde VUCA(2), on attend bien plus d’un salarié que de « faire son boulot » : évolution des métiers, coopération en mode projet, digitalisation… Chaque jour apporte son lot de changements qu’il faut accueillir, accepter et conduire au succès. Le package salarial, aussi bien loti soit-il, ne peut plus suffire à motiver les troupes ! Les salariés ont des motivations intrinsèques. Ils les revendiquent davantage aujourd’hui, particulièrement les plus jeunes : être autonome, développer ses compétences, avoir des missions qui font sens.

Je sais, pour en avoir fait l’exercice durant trente ans, combien le recrutement est un exercice difficile. C’est d’autant plus important de savoir qu’une fois le collaborateur « engagé », on n’est pas pour autant assuré de son Engagement dans l’entreprise !

Pour s’investir pleinement dans son travail, le collaborateur a besoin d’attention à son arrivée (le fameux onboarding) et tout au long de sa vie dans l’entreprise. Notamment aux moments les plus importants pour lui, qu’ils soient d’ordre professionnel (évolution de poste, nouvelle organisation du travail, nouvel environnement) ou plus personnel (naissance, accident, maladie, accompagnement d’un proche en difficulté).

Cette attention peut être alternativement portée par le manager, les RH, les représentants du personnel ou tout simplement les collègues, dans une culture d’entreprise fondée sur une bienveillance réciproque.

S’engager dans l’entreprise, oui, mais dans la réciprocité

Il faut se référer à la psychologie sociale, à partir des recherches de Kurt Lewin (1943), pour comprendre que l’Engagement désigne « l’ensemble des conséquences d’un acte sur le comportement et les attitudes ». Comme l’écrit Daniel Pink dans La vérité sur ce qui nous motive, c’en est fini de la carotte et du bâton et même des bonnes intentions, qui, si elles ne sont pas suivies des faits, sont contre-productives.

Place aux actions concrètes, ancrées dans le quotidien des salariés, qui seules pourront déboucher sur un Engagement réel et mesurable et sur une collaboration fructueuse qui nourrira votre marque employeur et votre communication interne.

Avant tout, soyons à l’écoute. Il existe de nombreux outils (digitaux ou non) pour questionner les collaborateurs et identifier des axes de progrès. Car c’est bien là le plus important : inutile de prendre la température si c’est pour ne pas traiter les symptômes !

Le plus efficace est de chercher ensemble des solutions.

Rien de tel que des groupes de travail opérationnels missionnés sur les points à améliorer pour responsabiliser les parties prenantes et agir concrètement sur ce qui va vraiment favoriser un changement de perception ou de pratiques.

Ce sont les pratiques – qu’elles soient managériales ou professionnelles – qui sont au cœur de la qualité de vie au travail. Ce qui fait que, chaque jour, le travailleur se sent à sa place, au sein d’un collectif qui lui apporte reconnaissance et respect, dont la raison d’être nourrit sa fierté, et auquel il peut contribuer à la hauteur de ses compétences pour qu’enfin, la performance soit source de valeur et d’épanouissement pour tous, individuellement et collectivement.

(1) L’institut Gallup, dont les recherches portent sur plus de 30 millions de personnes dans le monde, a mis au point un outil qui, en 12 questions, permet de mesurer l’engagement des salariés. En savoir plus

(2) VUCA est un acronyme (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) qui évoque l’évolution constante et rapide des contextes économiques et environnementaux auxquels les organisations sont confrontées.