J’ai quelque chose à vous dire…

J’avais à peine vingt ans, quand, lors d’une consultation médicale, un praticien m’a annoncé avec un total détachement : « Vous n’aurez probablement jamais d’enfant. » Ces quelques mots, lâchés dans une absence totale d’empathie, ont changé ma vie. Mais ça, je ne l’ai compris que bien plus tard, lorsque à la suite d’un burn out, en 2017, je me décidais enfin à suivre une psychothérapie.

Trente ans se sont écoulés entre ces deux évènements qui, a priori, n’étaient pas liés. Trente ans, deux mariages, un enfant et une belle réussite professionnelle en tant que cadre dirigeant. Trente ans entourée de parents aimants et d’amis fidèles. Trente ans et une trentaine de voyages autour du monde. Une vie trépidante et heureuse. Et puis un jour, le corps dit « Stop ! ». Il vous met à l’arrêt ; vous force à rentrer en vous-même et à vous regarder en face. Appelons un chat un chat : j’étais en dépression.

Certes, le travail, avec son lot de stress et de responsabilités a été le déclencheur du burn out. Mais il était aussi et surtout, depuis de trop longues années, le réceptacle d’un mal-être mal assumé. « Tu as tout pour être heureuse ! » Sans doute. Si l’on occulte dix ans de procréation médicalement assistée, huit ans de procédures d’adoption, la difficulté d’être maman au-delà d’être mère, le corps qu’on oublie faute de s’aimer, le couple qui morfle, deux divorces…

Quand vos statuts – statues ! – d’épouse et de mère vacillent, l’entreprise semble être la seule voix de salut, le siège de vos seules compétences. Alors on est prête à tout, jusqu’à s’épuiser, pour être irréprochable, pour être reconnue et appréciée. Prête à avaler des couleuvres, à enchaîner les missions et les projets, jusqu’à ce que le travail lui-même perde son sens. En particulier quand la situation prend racines dans un terreau d’injonctions personnelles : « Fais-plaisir ! », « Sois-parfaite ! »

Je me suis rendu compte que toutes ces années je m’étais enfermée dans un rôle, un costume de super woman, affublée du masque de la réussite sociale. Ce masque au large sourire et aux yeux clairs que certains m’enviaient. Je donnais le change, j’étais là pour tous et pour chacun, mais je ne laissais personne – même pas les plus proches – entrevoir mon mal-être.

Le burn out est une épreuve terrifiante. On est là, durant des semaines, immobile et vide. Perdue, dans tous les sens du terme. Impression de remettre les compteurs à zéro. Des mois de déni, d’errance et de doute. Mais cela a été aussi pour moi une incroyable opportunité. Celle de prendre en main, à plus de cinquante ans, le fil de ma vie. De passer en revue les étapes, les acteurs et les écueils qui m’avaient menée jusque là. Retisser la toile, resserrer les liens.

J’ai découvert les vertus de la parole sincère, de l’aveu de faiblesse et la force de la sororité. J’avais autour de moi un cercle restreint de femmes formidables, à qui j’ai ouvert mon cœur pour la première fois, oubliant enfin le filtre que j’avais mis entre Elles et moi, il y a si longtemps, pour ne pas avoir à leur dire combien leur maternité naturelle m’avait blessée.

Je n’avais pourtant rien à leur envier. J’ai porté mon fils, non pas dans mon ventre mais dans mon cœur, bien avant sa naissance et le Faa’amu – l’adoption traditionnelle polynésienne – m’a donné l’occasion de vivre une aventure humaine que peu de personnes ont la chance de connaître. Cette expérience fondée sur le Don et l’Engagement mutuels est la plus incroyable que l’on puisse imaginer. La différence culturelle est une inépuisable source de richesse.

Pour en savoir plus sur l’adoption polynésienne et mes beaux voyages avec Ulysse, c’est par ici !

J’avais conscience que la vie m’avait fait un cadeau, mais je n’avais pas encore évacué les stigmates de mes années de stérilité. Il m’a fallu l’aide d’un psychiatre (spécialiste des thérapies cognitives et comportementales) et le soutien d’un coach confrontant et bienveillant, pour entrevoir le fin mot de l’histoire. J’ai admis que je ne serais jamais parfaite et que vouloir faire plaisir ne voulait pas dire s’oublier. Me trouver et m’accepter comme je suis, à la fois forte et faillible, m’a doté d’une confiance nouvelle.

« J’ai quelque chose à vous dire… ». C’est donc avec ces quelques mots, il y quatre ans, que tout a changé. Radicalement. Lorsque j’ai enfin osé dire ce que j’avais ressenti, ce dont je ne voulais plus et ce dont j’avais envie : être libre et bienveillante. Même si ce mot dérange parfois et semble galvaudé. Je n’en ai pas trouvé d’autre à ce jour qui exprime aussi bien cette capacité à écouter sans juger, à faire preuve d’empathie et à « prendre soin de ».

« Fais-le, Liloo ! » m’a-t-on répondu. Alors je l’ai fait. J’ai poursuivi mon développement personnel pour gagner en assertivité et mieux gérer mes émotions, j’ai repris le chemin de l’école pour me former à la facilitation et au coaching, j’ai engagé une réflexion sur ma mission et mon projet de vie. J’ai démarré début 2021 une activité de consultante indépendante. Initialement tournée à 100 % vers les entreprises (au travers de ma démarche Peace Maker et de partenariats sur les sujets de cohésion d’équipe et de QVT), elle a peu à peu évolué vers une offre mixte, dont une partie est dédiée à l’accompagnement individuel (mentorat) de personnes en cours d’évolution professionnelle ou de reconversion, avec une attention particulière portée à celles et ceux qui sont en « souffrance » au travail.

Pour que mon expérience soit utile, qu’elle donne à d’autres l’envie de se réinventer, ou tout simplement d’être eux-mêmes, j’ai choisi de témoigner de mon parcours et de raconter en partie mon histoire personnelle, car vie professionnelle et vie privée sont indissociables, d’où cet équilibre si difficile à trouver !

Je vais également partager dans le blog mes découvertes, mes lectures, mes coups de cœur et mes convictions. Enfin, je vais poursuivre mon chemin vers de nouvelles aventures et rencontrer des personnes inspirantes, créatives, explorateurs de tous bords. Je témoignerai de ce que ces expériences – réelles ou virtuelles – m’auront apporté, afin que vous puissiez en bénéficier et, pourquoi pas, vous en inspirer à votre tour.

« Je parle au cœur plus qu’à l’oreille, c’est ce qui explique mon succès. »
Marcel Achard

6 réflexions sur « J’ai quelque chose à vous dire… »

  • Nicolas dit :

    Merci pour ce partage très personnel qui éclaire un peu plus sur le burn-out vécu par de plus en plus de salariés. Et je pense que ces expériences vous ont préparées à mieux accompagner les gens et les équipes dans la bienveillance en mode « performance et écoute »

  • Emma dit :

    Un grand merci pour ce témoignage comme il est rare d’en lire et qui, je l’imagine, ne peut mettre qu’en confiance celles et ceux qui, un peu perdu.es, ont besoin d’un accompagnement personnalisé.

  • Katia dit :

    Bravo pour le courage d’écrire tout cela. Ce témoignage va permettre à beaucoup d’entre nous de mettre des mots sur nos maux liés aux injonctions, à la charge mentale, et à la chimère de la perfection … souvent au point d’en oublier ses valeurs au profit d’:  » un rôle, un costume de « super woman », affublée du masque de la réussite sociale ». …
    C’est si vrai et si bien dit !

    Merci encore de m’avoir aidée à traverser cette épreuve et de m’avoir permis d’en faire une force!

    • Merci Katia pour ce commentaires, et pour nos échanges bien sûr. Je suis heureuse qu’ils aient pu contribuer à ta réflexion et à ton cheminement. Et plus ravie encore de savoir que tu as opéré depuis un réel changement qui va, sans nul doute, t’apporter de nombreuses satisfactions. Je te souhaite pleine réussite et beaucoup d’épanouissement dans ton nouveau projet professionnel.

  • Stéphanie dit :

    Laurence merci pour ton témoignage émouvant de sincérité ! Bravo pour le courage que tu as eu tout au long de cette introspection, également d’avoir su te réinventer, et désormais d’en parler librement, à cœur ouvert… c’est très inspirant ! Je lirai ton blog avec réel plaisir ! A bientôt !

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